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2017 : encore une élection pour rien ? La tribune de Serge Federbusch pour Le Figaro


Nos lecteurs pourront partager avec ceux du Figaro la tribune qu'il publie ce matin.



Il ne s'est pas pris qu'un râteau !
Il ne s'est pas pris qu'un râteau !
Françaises, Français, observez vos règles pénales ou celles du séjour sur votre territoire : vos lois, hormis les dispositions fiscales vitales à la bureaucratie, sont de moins en moins appliquées. Même la Belgique en tire désormais les conséquences et se protège du désordre français !

Maigre consolation, ces lois ne seront bientôt plus votées. François Hollande éprouve ainsi les pires difficultés à faire accepter par le parlement les réformes timides du code du travail portées par Myriam El-Khomri. L’adoption de la révision constitutionnelle sur la déchéance de nationalité ou l’état d’urgence est compromise. Le pouvoir est frappé d’inertie et l’hypothèse que la situation lui échappe totalement et dégénère en motion de censure et même en dissolution est moins théorique qu’on le croit. Les députés socialistes n’auront bientôt plus que l’espoir de « tomber à gauche » pour tenter de renouer avec leur électorat. François Hollande éprouverait alors le lâche soulagement d’éviter de douloureuses primaires.

Depuis des décennies, les Français, fauteurs de leurs propres troubles, se plaignent de l’inaction de leurs présidents, qu’elle soit assumée de manière goguenarde par Chirac, masquée par la fébrilité de Sarkozy ou fruit des calculs retors de Hollande. La France s’enfonce dans la désindustrialisation, le communautarisme, l’endettement et les fausses réformes d’un secteur public qui fait vivre directement ou indirectement plus de la moitié des votants et parvient donc à se protéger de tout changement significatif. Ils n’en meurent pas tous mais tous sont atteints : les plus fragiles (jeunes, vieux mal pensionnés, travailleurs sans formation solide) trinquent. Les autres les regardent avec inquiétude.

Pour l’heure, le système tient car l’Etat garantit tant bien que mal les rentes. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, s’est résolu à nous aider en monétisant notre dette publique. Il le fait pour sauver son Union à bout de souffle : quand la France s’enrhume, l’Europe éternue. François Hollande en profite pour protéger sa clientèle électorale, avec une efficacité chancelante qui explique son impopularité. Toute sa politique se résume en ce colmatage.

Qui va tirer parti de cette paralysie ? Celui qui bouge le moins, pardi ! Dans la foire d’empoigne, le tourbillon des vanités où, toutes sensibilités confondues, une bonne centaine de candidats se prennent à rêver, sondages et discussions de comptoirs convergent vers Alain Juppé, qu’on eut autrefois méchamment qualifié de cheval de retour. Qui aurait misé un fifrelin sur cette victime sacrificielle des années Chirac ?
En fait de retour, Juppé incarne l’espoir d’un «revival» chiraquien, quand les choses allaient mal mais pas au point qu’on en ait gardé le souvenir cuisant. Le maire de Bordeaux n’a pas besoin de programme, il lui suffit de faire acte d’ancienneté et de présence. C’est un choix par défaut, celui d’une candidature de continuité pour éviter le pire. S’il a survécu, c’est donc qu’il est coriace.

De toute façon, chacun est persuadé que la présidence de la République n’est plus qu’une magistrature d’accompagnement, une simple instance de gestion car la France n’a plus barre sur son destin. Juppé ne fera pas grand-chose mais il sera précautionneux, soupire l’opinion. Même ses déboires en justice sont mis à son crédit : il a payé pour son chef et prouvé ainsi sa loyauté. Depuis Dominique Strauss-Kahn, nul n’a vu pareil boulevard politique s’ouvrir devant lui ...

Trêve d’ironie. Depuis la guerre d’Algérie, la France n’a jamais connu de tels périls au moment où l’institution présidentielle est aux abois. L’ultime privilège du chef de l’Etat est de nommer des ministres sans pouvoir et des fonctionnaires sans autorité. La prophétie gaullienne se réalise : le trop-plein se mue en vide. Et le nom d’Alain Juppé remplit ce vide.

Il faudrait refaire notre république de fond en comble, en commençant par le plus compliqué : la renégociation de notre adhésion à l’Union européenne. Non seulement parce qu’elle bride la croissance mais parce qu’elle nous habitue insidieusement à renoncer à la maîtrise de notre destinée. Le choc psychologique qui permettrait la réforme interne passe par une remise à plat de l’ordre européen. L’audace est devenue une nécessité. Prenons l’exemple de la question laïque. Après les crimes de janvier et novembre 2015, loin d’assister à un mouvement massif de soutien à la liberté d’expression ou de solidarité avec les victimes venant des musulmans de France, nous avons eu droit à de nombreuses réactions de satisfaction face au sort réservé aux prétendus blasphémateurs et à la multiplication du port du voile dans les rues. Cette réaffirmation bravache d’une identité fondée sur la religion s’accompagne du regain de revendications communautaires à l’université, l’hôpital et d’autres lieux publics.
Que fait le gouvernement ? Le contraire de ce que l’urgence réclame. Il réagit peureusement et va jusqu’à introduire dans le projet de loi El Khomri des dispositions qui rendraient impossibles l’interdiction des signes religieux ostentatoires dans les entreprises. Pour autant, les candidats potentiels de la droite font ils montre de courage et de clarté sur le sujet ? Tous sont allusifs ou contradictoires. Ainsi Sarkozy déclare-t-il en 2009 vouloir suivre l’exemple d’un Obama hostile à toute restriction au port du voile pour, en 2015, parler d’interdiction à l’université et, peu après, renvoyer à un rapport confié à Henri Guaino et Gérald Darmanin. Au prétexte de polémique sur les déclarations de Nadine Morano, sa publication a été reportée aux calendes grecques ! Quant au très courageux Bruno Le Maire, il reste dans le flou. Petit florilège : « Ce n'est pas l'UMP qui rouvre ce débat (sur le voile à l’université), il y a une proposition d'Eric Ciotti. Libre à chacun de prendre des initiatives ». « L'Etat doit aussi s'occuper de tous ceux qui ne croient pas, de tous ceux qui peuvent être de confession musulmane mais qui ne pratiquent pas ». « Est-ce que nous arrivons aujourd'hui à appliquer la loi sur le voile intégral? Il y a encore beaucoup d'endroits où des femmes circulent en voile intégral. Faisons respecter cette loi ».

Bref, dès qu’un problème fâche, la droite dite républicaine marche sur des œufs. Comme Sarkozy en 2007 ou Hollande en 2012, les candidats de 2017 pensent qu’ils pourront éviter le bras de fer avec nos partenaires européens ou l’affrontement avec les fondamentalistes. Vaine espérance …
«J’ai longtemps cru qu’une lâche élite manipulait des masses ignorantes. C’était le contraire : les chefs étaient perdus et le peuple apeuré.» Serait-ce De Gaulle décrivant la France de 2017 ?

Jeudi 25 Février 2016
Serge Federbusch






1.Posté par HM le 29/02/2016 08:45
Analyse remarquable, comme d'habitude avec Serge Federbusch.
On rêve tous d'une nouvelle droite, hors du centre car le centre ce n'est pas le subtil balancement des idées mais l'indécision ou le calcul pervers, rassemblant : Eric Zemmour, Marion Maréchal, Robert Ménard, Henri Guaino, Philippe de Villiers, Christian Vanneste, Lionnel Luca, Christian Combaz, Christiane Chavane, Dominique Jamet, Jean-François Legaret, Philippe Lottiaux, Fabrice Lucchini... Et Serge, bien sûr.

2.Posté par Alablanche le 14/03/2016 09:29
Très juste !

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